©Nicolas MONIEZ - IPEV : Le Marion Dufresne au quai du Port
Nous embarquons le 31 octobre sur le Marion Dufresne. 7h25, départ de Saint-Pierre, les voitures de locations chargées de bagages et de volontaires.
9h, nous nous approchons du Port, musiques à fond, en chantant, rigolant et souriant. Nous sommes tous très excités à l’idée d’atteindre le bateau. En arrivant, nous apercevons l’arche rouge qui orne le MarDuf’, et crions de joie. Une fois à bord, nous laissons nos passeports à l’OPEA (entendez le chef des opérations portuaires), récupérons clés de chambre et carte de consommations bar, déposons nos affaires, et visitons sans tarder les recoins du vaisseau. Nous redescendons sur quai pour l’admirer et le capturer dans nos mémoires et cartes SD.
11h, les autres de l’Institut polaire arrivent enfin, quelques heures à peine après avoir atterri de leur vol depuis Roissy. Nous les accueillons et les aidons à amener leurs affaires.
Une première formation à la sécurité en bateau est donnée, suivi d’un exercice d’évacuation. Peu de temps après, le pilote embarque dans le Marion Dufresne, la passerelle d’accès est enlevée, le bateau s’éloigne progressivement pour quitter le port. L’émotion est intense. Le bateau, en doublant les feux du Port, sonne sa corne de brume 3 fois. Ça y est, nous sommes en route, plus rien ne nous arrêtera.
Éloigné des côtes, le MD se stabilise, et nous voyons l’hélicoptère se rapprocher ! Il effectue une série d’accostages sur la DZ (Drop Zone) pour valider la certification du pilote, puis vient se poser et se ranger dans le hangar. Nous partons ensuite manger, faisant partie du premier service.

©Nicolas MONIEZ - IPEV: nous doublons les feux du Port, la Réunion
©Nicolas MONIEZ - IPEV
La traversée se fait de façon progressive : les vagues sont de plus en plus grosses, la météo évolue vers le froid et le vent.
La première matinée est consacrée à faire le planning des sorties hors base à Kerguelen (dont je serai responsable). Je ressens rapidement le mal de mer et me résous au traitement proposé par l’hôpital de bord. Le reste des journées est consacré à des formations : biosécurité, gestion des déchets en base, de l’alimentation, médicale, hélicoptère. Les repas rythment la vie. Nous mangeons au premier service : 11h et 18h.
Je ne m’ennuie pas. En journée, nous observons les oiseaux depuis la passerelle, nous montons au pont extérieur prendre le vent, nous flânons dans la salle commune.

©Nicolas MONIEZ - IPEV : Pétrel Géant au milieu de l’Océan Indien
La mer se déchaine chaque jour un peu plus, et chaque jour les habitués la considère faible. Le parfum des Subantarctiques se sublime de jour en jour. Bien que notre vitesse soit faible, le temps passant, plein sud, nous perdons en latitude rapidement. Les premiers albatros géants font leur apparition, le vent se rafraichit et forcit, les voyageurs se font de plus en plus rares aux repas. L’instant attendu et craint, recherché mais triste, celui de laisser nos camarades VSC à Crozet, se rapproche finalement très vite. Nous savourons chaque jour les moments avec eux, et nous finirons par comprendre qu’un hivernage dans les sub est ponctué de rencontres, mais aussi beaucoup d’adieux. J’appréhende ces aux-revoirs aux gens qui nous manqueront.
Au troisième jour, nous visitons les machines en fond de cale. Nous voyons les gros moteurs vibrer, et la machinerie qui permet de propulser le bateau vers le sud.
Nous continuons…
Pour passer le temps, je fais un peu de sport en salle : vélo d’appartement. Je me balade avec les co-VSC sur les différents ponts.
5 novembre : Je me lève tant bien que mal vers 5h du matin, pour assister à l’arrivée sur Crozet. En arrivant, je devine dans l’horizon des formes de côtes dans la brume. Je ressens une certaine excitation. Les falaises se rapprochent de plus en plus et deviennent de plus en plus nettes, distinctes.

©Nicolas MONIEZ - IPEV : Terre en vue : l’île de la Possession se dévoile
©Nicolas MONIEZ : Le troupeau devant Pointe basse.
Nous approchons pointe basse pour y faire des livraisons de fret. Les oiseaux sont depuis ce matin très nombreux autour du bateau. Nous ne comptons plus les albatros géants et pétrels géants, et j’en passe. En se rapprochant de la côte, nous distinguons une immense colonie de manchots royaux. Ils sont des dizaines de milliers ! Ces mêmes manchots, en plongeant, se baladent autour du Marion Dufresne. Il nous accompagneront tout au long de notre escale à Crozet. Après les opérations à Point Basse, nous contournons l’île de la Possession par l’est, et arrivons assez rapidement à la base d’Alfred Faure, en face de l’impressionnante et mystérieuse île de l’Est. Les opérations se déroulent : le Commerson (bateau-zodiac qui restera avec moi à Kerguelen) est mis à l’eau pour que le programme PROTEKER fasse ses plongées sous-marines.

©Millat BLANC - IPEV : Mouillage devant la baie des marins, non loin de la base Alfred Faure
©Nicolas MONIEZ - IPEV : Appontage de l’hélicoptère sur le Marion dufresne
6 novembre : Vers 14h, nous grimpons dans l’hélicoptère, l’émotion est très intense, c’est ma première fois ! Nous atterrissons, accueillis par les copains et les responsables de la réserve naturelle. Nous partons en groupe et filons vers la manchotière de la Baie des Marins. Environ cinquante mille manchots nous attendent sur la plage, avec quelques éléphants de mers et otaries. L’odeur est forte, accompagnée des piaillements intenses. Bien que le manchot en photo soit élégant, son mouvement le rend ridicule. Par la suite, nous remontons à la base, pour redescendre voir les jeunes albatros géants. Ce monde est surréel. Je me croirai en Ecosse, mais loin, très loin de tout. La semaine de bateau se fait ressentir dans la distance.
©Nicolas MONIEZ - IPEV : Manchotière de la Baie des Marins
©Félix AUBOURG - IPEV : Manchotière de la Baie des Marins

©Nicolas MONIEZ - IPEV : Manchotière de la Baie des Marins
7 novembre : Le matin est très brumeux. Les opérations portuaires continuent en début d’après-midi, avec le soleil qui pointe le bout de son nez. On nous prédis une tempête qui doit nous rattraper quand nous reprendrons la route. J’avance sur le planning des sorties de Kerguelen, l’équipe documentaire italienne me filme en train d’organiser les sorties, au dessus de la carte IGN de la péninsule Courbet. L’appareillage se fait donc plus tôt que prévu. Nous entendons dans les hauts-parleurs le commandant pendant l’appareillage : « Prochain arrêt, Kerguelen ». Nouvelle prise de conscience, remplie d’émotions. Le bateau commence à bouger, et sonne une longue période de corne de brume, un au-revoir aux copains de Kerguelen. J’aide ensuite l’équipe LOG à répartir les touques pour les prochaines livraisons de cabanes KER. Nous passons l’île de l’EST, réserve intégrale, vierge de tout humain depuis 40 ans. L’émotion est très forte. La plus haute falaise maritime du monde, de 900m tout de même, se tient là. Les grandes vallées glacières et la roche me rappelle les écrins. Les ornithologues sont fous du nombre incalculable d’oiseaux autour du bateau.

©Chloé MEYMY - IPEV : L’île de l’Est, sous son manteau de coton
La tempête nous rattrape le soir du 8 novembre. Le bateau est en roulis très important, ça bouge beaucoup beaucoup ! Le repas est sportif : la vaisselle glisse sur les tables voire se renverse. Les déambulations dans le bateau sont en mode ébriété.
La nuit fut mauvaise : la houle m’a empêcher de fermer l’oeil de la nuit, à force de rattraper les chutes du lit, ou de gérer les chaises et autres objets mouvants dans la chambre.
©Chloé MEYMY - IPEV : Le vent sert la houle, qui dessert le navire.
10 novembre : Arrivée à Kerguelen !
Je me réveille vers 4h40 avec Mayeul pour voir l’arrivée à Kerguelen depuis la passerelle. Nous découvrons peu à peu les côtes de la péninsule Joffre à tribord. Le moment est formidable. Je ressens une émotion très intense, celle d’atteindre enfin les terres dont je rêvais depuis si longtemps. J’ai rapidement rendez-vous avec la LOG pour commencer les rotations hélicoptères. La météo n’est pas très bonne, le programme est un peu modifié. Nous commençons en direction de Port Elisabeth, où nous débarquons 5 touques et embarquons 7 touques ; l’hélicoptère restant en stand-by. Environ 4 minutes ressenties sur place suffisent. Le moments reste néanmoins formidable : nous bougeons les touques dans l’ambiance sonore et venteuse de l’hélicoptère. Très rapidement après être rentrés sur le Marion Dufresne, nous décollons à nouveau vers Val Travers. Je suis devant, la traversée est magnifique : les Kerguelen sont immenses, larges, nous découvrons lacs, collines, fjords, cascades, les rennes sont absolument partout ! accompagnés de multitudes de BLO. Déposés à Val Travers, nous prenons le temps de vérifier l’état de la cabane, je profite de l’ambiance incroyable qui en émane. L’hélicoptère revient avec la cage-palette, largue l’élingue, et nous récupère. Nous devons aller à Bossière, la desserte est finalement avortée par le pilote, pour cause de couverture nuageuse trop importante. Je rentre émerveillé.
Dans l’après-midi, le Marion Dufresne se dirige vers la Baie Accessible pour effectuer d’autres opérations. Nous y arrivons vers 14h, mais les nuages empêchent toute opération pour le moment.
Départ plus tôt que prévu pour la direction de Port-Aux-Français. Aucune opération hélico n’a finalement eu lieu.
Nous contournons donc la péninsule Courbet au large à l’Est. La visibilité est nulle. Nous passons notre dernière soirée dans le Marion Dufresne, et nous nous réveillons dans le golfe du Morbihan, en face de Port-aux-Français. Nous arrivons dans la base qui sera notre maison pendant l’année à venir !

© Nicolas MONIEZ - IPEV : Le Marion Dufresne, face à Port-aux-Français